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La production de maïs en continu est-elle possible?

10 mai 2021

La réponse courte est oui. Mais si vous souhaitez cultiver du maïs en continu, sachez d’abord ce qui vous attend.

Ce type de système de culture nécessite une gestion intense, des coûts d'intrants potentiellement plus élevés et des objectifs de rendement réalistes afin de compenser les gains qui découlent généralement de la culture du maïs en rotation, comme l’élimination des ravageurs et la reconstitution des éléments nutritifs du sol.

En effet, dans une étude menée pendant six ans à l'Université de l'Illinois, les chercheurs ont constaté que la perte de rendement dans un système de maïs en continu atteignait 564,5 à 2 634,2 kg par hectare, par rapport au maïs cultivé dans un retour de soya. Ils ont également constaté une baisse régulière des rendements du maïs d'une année à l'autre au cours de l'étude, ce qu'ils ont attribué à la disponibilité de l'azote, à l'accumulation de résidus et, comme pour tout système cultural, aux conditions météorologiques¹.

Quoiqu’il en soit, avec une bonne gestion et une attention particulière portée aux détails, le maïs en continu est possible. Voici quelques conseils.

Choix du champ et gestion des résidus

Les résultats de l’étude de l'Université de l'Illinois sur le maïs en continu indiquent que les champs les mieux adaptés à cette pratique présentent un bon drainage, une capacité de rétention d'eau élevée, une fertilité optimale, une absence de compactage et une faible pression de ravageurs, en particulier des insectes et des maladies.

Un aspect clé de la culture de maïs en continu est la gestion des résidus. En effet, une bonne récolte de maïs l'année précédente laisse derrière elle beaucoup de chaume et de déchets qui peuvent abaisser la température du sol au printemps, abriter des agents pathogènes, protéger les insectes hivernants et réduire l'azote disponible. Tout cela peut entraîner une foule de problèmes, comme un retard de levée et des dommages par les ravageurs.

Il faut que les résidus se décomposent rapidement, ce qui dépend d'un certain nombre de facteurs, comme l'humidité et la température du sol, l'activité microbienne et la présence d'azote en quantité suffisante pour soutenir ces microbes. Le déchiquetage après la récolte peut aider à fragmenter et à répartir plus uniformément les résidus, et le travail intensif du sol ou le travail en bandes peuvent aider à les enfouir.

L'objectif est d'obtenir un bon contact sol-semence dans un sol chaud au printemps. Il faut donc faire tout ce que l'on peut pour éliminer, couper et répartir uniformément les résidus.

Choix des hybrides

Choisissez des hybrides assez forts pour s’acquitter de la tâche. Cela signifie des cotes de vigueur et de germination élevées, une excellente résistance aux maladies, une résistance aux insectes et de solides racines et tiges.

Le raisonnement est assez simple : le maïs qui émerge du sol avec force et rapidité a plus de chances de passer à travers les résidus de l'année précédente, surtout si les conditions sont fraîches. De plus, les résidus de maïs que les plantules traversent peuvent s'avérer un excellent réservoir d'agents pathogènes hivernants, tels que ceux responsables du dessèchement, de la flétrissure bactérienne, des taches grises et de la pourriture sèche de la tige, d'où l'importance de la protection contre les maladies.


Figure 1 : Dessèchement.


Figure 2 : Taches grises.


Figure 3 : Flétrissure bactérienne.


Figure 4 : Pourriture sèche de la tige et pourriture sèche de l’épi (Diplodia).

Les risques de dommages par les insectes sont également accrus dans un système de production de maïs en continu. Il faut donc faire la part belle aux hybrides présentant une bonne résistance à certains des principaux ravageurs, comme la chrysomèle des racines du maïs et la pyrale du maïs.

Toutefois, il faut savoir que des populations de chrysomèle des racines du maïs résistantes aux caractères Bt ont été confirmées en Ontario. Donc, utilisez un traitement de semences insecticide, perfectionnez vos techniques de dépistage et songez sérieusement à remplacer le maïs après trois ans au maximum.

Traitement de semences

Les traitements de semences sont une nécessité absolue dans un système de maïs en continu. Vous aurez besoin d’un excellent composant fongicide pour vous protéger contre le complexe de maladies des plantules, ainsi que d'un excellent composant insecticide pour la protection contre les ravageurs de début de saison comme le ver fil-de-fer, la mouche des semis, les vers blancs et autres. Ne vous passez pas de traitement de semences.

Fertilisation

L'azote est votre principale préoccupation. L'azote appliqué dans le sol n'est pas nécessairement assimilable par les plantes, et les microbes du sol, occupés à décomposer les résidus, peuvent immobiliser l'azote au moment où vous en avez le plus besoin.

Utilisez plus d’azote lorsque vous semez du maïs en continu. Comparativement au maïs cultivé après le soya, le maïs en continu peut nécessiter un supplément de 34 à 56 kg par hectare (30 à 50 livres par acre)².

L'absorption de l'azote dans le maïs est plus importante pendant les derniers stades végétatifs, de V6 à R1 environ; il faut donc envisager une application fractionnée de N – une fois en présemis et une autre fois vers V5-V6 – pour améliorer l’efficacité des nutriments. N'oubliez pas que l'azote doit se trouver directement dans la zone des racines pour être utilisable par les plantes.

Maintenez des concentrations optimales de phosphore et de potassium, car cela favorise l'établissement de peuplements solides tout en diminuant les problèmes de pourriture et de verse des tiges. Le maïs utilise davantage de ces deux éléments nutritifs que le soya; il faut donc équilibrer votre programme de fertilisation en conséquence.

 

Considérations relatives aux semis

Les pertes à la levée sont généralement supérieures dans le maïs en continu, mais si vous portez une attention particulière à la gestion des résidus, à la sélection des hybrides, à la fertilisation et aux traitements des semences, cela ne devrait pas créer trop de problèmes.

Il n'est peut-être pas nécessaire d'augmenter le taux de semis pour compenser ces pertes. Mais discutez avec votre partenaire semencier pour déterminer le taux de semis optimal pour le ou les hybrides que vous avez choisis.

Enfin, semez vos champs de maïs sur maïs en dernier afin de donner suffisamment de temps au sol caché sous ces résidus pour se réchauffer et sécher un peu.

Désherbage

La lutte contre les mauvaises herbes peut être compliquée dans le maïs en continu. Le désherbage précoce prend beaucoup d’importance, car les options sont limitées une fois que la culture est établie.

À nouveau, les résidus peuvent causer des problèmes car ils risquent de réduire l'efficacité des herbicides appliqués au sol et également de protéger les plantules de mauvaises herbes contre les herbicides de contact en postlevée.

Dans le maïs en continu, le succès repose en bonne partie sur le désherbage de début de saison; appliquez d’abord un herbicide de présemis ou de prélevée qui offre une certaine activité résiduelle afin de contrer les mauvaises herbes précoces, y compris les espèces résistantes.

Effectuez les traitements herbicides de postlevée pendant que les mauvaises herbes sont encore assez petites. Veillez à utiliser plusieurs modes d'action herbicides différents, que ce soit en prélevée ou en postlevée. Pour de plus amples renseignements à ce sujet, consultez le site MixItUp.ca. Portez une attention particulière aux plants de maïs spontanés dotés de caractères de résistance aux herbicides, car ils peuvent être plus difficiles à gérer.

En effet, faites attention à la récolte pour éviter le plus possible le maïs spontané la saison suivante. La verse des plants, la chute des épis, les mauvais réglages de la moissonneuse-batteuse et la récolte dans des conditions moins qu'idéales peuvent tous être à l’origine d’un problème de maïs spontané au printemps suivant.

Lutte contre les maladies

Dans un système de production de maïs en continu, vous ne pouvez pas rompre le cycle des maladies, alors soyez vigilant au dépistage et prenez des mesures immédiates si nécessaire.

Si la pression d'infestation par la maladie semble relativement normale, effectuez un dépistage au moment de la sortie des panicules (VT) et voyez si un fongicide est justifié. Dans les champs où la pression d’infestation est forte, commencez le dépistage plus tôt; vous aurez peut-être besoin de faire des applications séquentielles de fongicides, soit un premier traitement avant la sortie des panicules et un second durant la fenêtre VT à R2. Parlez à votre agronome ou à votre conseiller du calendrier d'application des fongicides et des options de produits qui vous donneront les meilleurs résultats. C’est pour protéger le rendement qu’on fait tout ça!


Références :
¹ Gentry, L.F., Ruffo, M.L., and Below, F.E. 2013. Identifying factors controlling the continuous corn yield penalty. Agronomy Journal. 105: 295-303
https://acsess.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.2134/agronj2012.0246
² Nielsen, R.L., Johnson, B., Krupke, C., and Shaner, G. 2007. Mitigate the downside risks of corn following corn. Corny News Network. Purdue University. https://www.agry.purdue.edu/ext/corn/news/timeless/CornCorn.html.