Quoi faire avec la chrysomèle des racines du maïs
10 mai 2021
Il fut un temps où les producteurs pouvaient
compter presque entièrement sur les hybrides de maïs Bt pour se protéger des
dommages causés par la chrysomèle des racines du maïs (CRM). Malheureusement,
des populations de CRM résistantes au Bt ont déjà été observées en Ontario, et le
Québec devrait suivre sous peu. Il est donc temps de passer à la vitesse
supérieure en matière de dépistage et de prévention de la CRM.
Commencez par les identifier
Deux espèces de chrysomèle des racines du maïs
sont en cause, soit les espèces occidentale (de l’ouest) et septentrionale (du
nord), et, ensemble, elles constituent ce qu’on appelle le complexe des
chrysomèles des racines du maïs.
La
chrysomèle occidentale des racines du maïs adulte présente un corps jaunâtre,
une tête noire et des élytres traversés de bandes noires. Sa cousine
septentrionale est de couleur uniforme vert-jaune à verte.
Figure 1 : Chrysomèle occidentale des
racines du maïs adulte (à gauche); chrysomèle septentrionale des racines du
maïs (à droite).
Les deux espèces ont un cycle de vie très
similaire et ne produisent qu’une seule génération par année. Les œufs qui survivent
à l’hiver éclosent au printemps lorsque la température du sol atteint 10 degrés
Celsius, généralement vers la fin mai ou la mi-juin1.
Les nouvelles larves sont blanchâtres, mais
brunes aux deux extrémités. Les larves passent par trois stades de croissance
durant lesquels elles se nourrissent des racines des plantes. Le cycle larvaire
ne dure que trois semaines, et c'est pendant cette période que surviennent les
dommages les plus graves aux plantes.
Figure 2 : Larves de chrysomèle des
racines du maïs. À remarquer la capsule céphalique et la plaque anale brunes.
Photo gracieusement offerte par UNL Entomology.
Les chrysomèles adultes sortent du sol entre la
fin juillet et le début août1 et, après s'être accouplées, les femelles
pondent leurs œufs dans le sol, généralement dans les 15 premiers centimètres
sous la surface.
Surveillez aussi votre soya
Aux États-Unis, il existe une variante de la
CRM qui s’attaque au soya. Les cultures de maïs semées après le soya sont
menacées par cette variante car son cycle de vie est le même dans les deux cas.
Jusqu'à présent, cette variante n'a pas été
confirmée en Ontario ni au Québec, mais si vous vous inquiétez de sa présence
dans vos champs de soya, utilisez des pièges collants, comme vous le faites
dans le maïs (voir ci-dessous). Placez-les à au moins 45 centimètres au-dessus
du couvert végétal et, si vous attrapez en moyenne au moins 1,5 CRM adulte par
jour, certaines mesures de lutte pourraient être nécessaires si vous avez
décidé de semer du maïs dans ce champ la saison suivante.
Bien que cette variante ne nuise pas au soya,
le fait qu'elle puisse survivre dans un champ de soya signifie que ce n'est pas
une bonne idée de cultiver du soya en continu. La technique de lutte la plus
efficace consiste à semer du blé d’hiver après une culture de soya infestée.
Évaluez les risques en piégeant des adultes
La meilleure façon d'évaluer les dommages que
pourrait potentiellement causer la CRM l'année prochaine est de déterminer le
nombre d'adultes dans vos champs cette année.
Il est possible d’effectuer un dépistage des
larves, mais tout ce que cela vous apprendra, c'est que la chrysomèle des
racines du maïs est présente dans votre champ. Les experts disent que deux
larves par plant suffisent pour justifier une action, mais lorsque vous trouvez
des larves, il est déjà trop tard pour faire quoi que ce soit et éviter des
pertes économiques. Donc, concentrez-vous sur le comptage des adultes et sur
l'élaboration d’une stratégie pour l'année prochaine.
Vous pouvez compter directement les adultes
accrochés aux plants de maïs ou utiliser des pièges collants, ce qui est probablement
plus facile et plus précis. Le meilleur moment pour procéder va de la fin
juillet au début août, quand les adultes émergent et s'accouplent.
Ce comptage
vous donnera une idée de l’importance des dégâts que vous pourriez subir le printemps
prochain; confirmez ensuite ce résultat en procédant à un examen des racines l'année suivante pour évaluer les dégâts réels.
Comment disposer vos pièges collants dans le maïs
- Choisissez deux rangs de maïs par parcelle de quatre à 20 hectares (10 à 50 acres). Ces rangs doivent être éloignés d'au moins 100 mètres l'un de l'autre et d'au moins 50 mètres du bord du champ.
- À l’apparition des soies, placez six pièges collants dans chacun des rangs choisis. Fixez chaque piège directement au-dessus d'un épi, en prenant soin d'enlever les feuilles qui risquent de s'engluer. Veillez à ce que les pièges soient espacés de 50 mètres le long du rang.
- Identifiez les rangs pour pouvoir les retrouver!
- Une fois par semaine, comptez le nombre d'adultes de CRM par piège. Répétez l’opération pendant quatre semaines et remplacez les anciens pièges par de nouveaux après chaque comptage.
Figure 3 : Piège collant utilisé pour le
dépistage des chrysomèles des racines du maïs adultes. Photo gracieusement
offerte par Cory Tilstra.
Déterminez le seuil d’intervention économique
Pour savoir vous avez atteint le seuil
d’intervention économique, vous devez calculer le nombre moyen de CRM adultes
capturées par piège et par jour. Voici un exemple :
Un total de 100 CRM adultes capturées
dans 12 pièges en une semaine = 1,2 chrysomèle des racines du maïs adulte en
moyenne par piège et par jour. (100 ÷ 12 = 8,3; 8,3 ÷ 7 = 1,2)
Si vous capturez deux adultes ou plus par piège
et par jour pendant la période d'échantillonnage de quatre semaines, commencez
à réfléchir aux mesures de lutte contre la CRM que vous utiliserez la saison prochaine.
Comment protéger le maïs contre la CRM
Il existe trois types de techniques permettant
de lutter efficacement contre la CRM : les techniques culturales, chimiques et génétiques.
Rotations. Le
maïs (et parfois le soya) est la seule culture dans laquelle la CRM peut
accomplir son cycle de vie. Si vous trouvez suffisamment d’adultes dans la
culture de cette année, semez autre chose l'année prochaine. Le soya peut être
une solution, mais soyez prêt à faire du dépistage, au cas où. Le blé d'hiver
est le meilleur choix.
Veillez à détruire les plants de maïs spontanés
dans cette culture de rotation pour briser le cycle de vie de la CRM. Si possible,
ne semez pas de maïs pendant au moins deux ans.
Si vous devez quand même cultiver du maïs pour
une deuxième année consécutive, utilisez cette fois un hybride non protégé
contre la CRM. Cette pratique réduit la pression de sélection par rapport au
caractère, et vous pouvez utiliser un traitement de semences pour maîtriser le
ravageur.
Il convient de noter que la rotation des
cultures est la seule pratique culturale reconnue contre la CRM. Le travail du
sol n'a aucun effet sur la survie des œufs et, bien que ce ne soit pas une
méthode culturale, il ne faut pas compter sur l'hiver pour les tuer. En fait, pour
que suffisamment d’œufs de CRM soient détruits pendant la saison hivernale, la
température du sol doit demeurer à -10 degrés Celsius ou plus froid pendant un
minimum de deux à quatre semaines2.
Insecticides. L'approche la plus efficace consiste à utiliser un traitement de semences insecticide
et/ou un insecticide appliqué au sol juste avant l'éclosion des œufs, fin mai.
L'objectif est d'empêcher les larves de se nourrir des racines de la culture.
Que penser de la lutte contre les adultes avec
un insecticide foliaire? Là encore, les
experts ne le recommandent pas, car cela ne procure aucun avantage économique.
Les dégâts ont déjà été causés par les larves plus tôt dans la saison, donc un
insecticide foliaire revient à fermer la porte de l’écurie une fois que le
cheval s’est enfui.
Caractères technologiques. Malheureusement, la CRM a acquis une résistance à plusieurs protéines
Bt-Chrysomèle, ce qui signifie que même les hybrides de maïs Bt à combinaison
de caractères peuvent être vulnérables à cet insecte.
Il est clair que les populations résistantes de
CRM sont là pour rester. Il est impératif que les producteurs de maïs fassent tout
en leur pouvoir pour réduire ces populations et ainsi conserver aux hybrides
Bt-Chrysomèle actuels leur utilité aussi longtemps que possible.
Alors que pouvez-vous faire? Le MAAARO a élaboré une excellente série de
mesures d’atténuation des effets de la CRM, dont un outil de prise de décisions
pour vous aider à déterminer si vous avez besoin d'agir et comment le faire.
Adressez-vous au représentant de votre partenaire semencier pour savoir quelles
protéines Bt sont à risque, lesquelles ont encore une bonne activité contre les
CRM et comment elles doivent être utilisées.
Références :
1 Ontario Ministry of Agriculture, Food and Rural
Affairs. Corn rootworm in Ontario
CropIPM. omafra.gov.on.ca
2 Gustin,
R.D. 1981. Soil temperature environment of overwintering western com rootworm
eggs. Environmental Entomology. Vol. 10, pp. 483-487.